Le tattoo « home-made », c’est un retour aux sources en forme de clin d’œil, alors que sa démocratisation et que la multiplication des studios aux airs de clinique ont quelques peu aseptisé le tatouage, longtemps symbole d’aventure et de marge. Le « fait maison » a longtemps été l’essence même du tatouage, la seule manière de le pratiquer, lorsqu’il se piquait dans la pénombre des ponts des trois-mâts qui parcouraient les océans ou dans celle des cellules des prisons. Il était alors un art clandestin, que les marins et les voyous piquaient sur leurs corps par mimétisme, forfanterie, mélancolie ou révolte. C’était l’époque de « l’arraché », une technique utilisant trois aiguilles liées entre elles par un bout de fil. A Paris, les mauvais garçons passaient sous les « triplettes » des tatoueurs itinérants comme le père Rémy sur les quais de la Villette, Médéric Chanut qui officiait dans les arrière-salles des bistrots du quartier de la Roquette ou encore le père Zéphyrin qui nettoyait les peaux à la salive lorsqu’il n’avait plus d’eau-de-vie. En effet, la pratique underground n’est pas sans risques sanitaires, et les anciens se rappellent les mauvaises fièvres et autres démangeaisons suspectes, dans le meilleur des cas. Les sensations « d’avant » vont de paire avec leurs éventuels désagréments…

À la fin du XIXe siècle, grâce à l’invention de la machine électrique, de plus en plus de studios de tatouage – dont le premier avait vu le jour aux Etats-Unis en 1849 – se multiplièrent dans les villes portuaires et la lente normalisation de la discipline commença. Au fil des décennies, les boutiques quittèrent les bas-fonds pour envahir les villes et les campagnes, laissant rentrer à travers leurs vitrines toujours plus de lumière. Aujourd’hui, le tatouage est plus accessible que jamais, ouvert à tous. Pratiquement banalisé, il est moins le témoin d’un parcours atypique, qu’un « produit » de grande consommation. A défaut de retrouver la force de l’engagement qu’il impliquait, le home-made est peut-être le moyen pour certains de redonner une âme au tatouage, en retrouvant l’intensité de l’acte et en se forgeant un souvenir plus personnel.

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Réalisé par Marc-Aurèle Vecchione
Résistance Films & Arte France. 2013